Sans jamais officiellement l’annoncer, Mike Condon a accroché ses jambières et se tourne maintenant vers le coaching. La Presse s’est entretenue avec l’ancien gardien, qui a porté les couleurs du Canadien en 2015-2016.

(Boston) Printemps 2013. Mike Condon devait remplir une dernière exigence pour obtenir son baccalauréat en sciences politiques de l’Université Princeton : rédiger un mémoire de 120 pages.

Au terme de sa saison universitaire, il a donc fait le saut chez les pros au printemps, à Ontario et à Houston, pour terminer la campagne. Mais pendant que ses coéquipiers meublaient leurs trajets d’autocar en dormant, en jouant aux cartes ou en parlant au téléphone, Condon avait le nez dans son ordinateur. Son sujet : les ventes d’armes des États-Unis à l’étranger après la guerre froide. Il s’est penché sur les cas de Taïwan, du Pakistan et de l’Égypte.

« Je suis un grand amateur d’histoire militaire. Je suis content d’avoir fait ça. Je n’ai pas eu la meilleure note, mais ce n’était pas facile en travaillant dans l’autocar, surtout quand tu as le mal des transports ! »

On fait ce long détour pour illustrer que Condon n’a jamais eu peur de bûcher dans la vie. C’est justement ce qu’il doit faire maintenant qu’il a accroché ses jambières et qu’il commence une carrière d’entraîneur des gardiens. Son emploi cette saison : responsable des gardiens de l’Université Northeastern, avec le Montréalais Devon Levi comme protégé.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE TWITTER @GONUMHOCKEY

Mike Condon et Devon Levi

En raison des règles de la NCAA, il porte toutefois le titre de bénévole. Les équipes ont en effet le droit à seulement trois entraîneurs payés ; c’est généralement l’entraîneur-chef et ses deux adjoints. Les coachs des gardiens, comme lui, se retrouvent donc à travailler sans rémunération. Mais il a la chance de travailler près de Dedham, la banlieue de Boston où il s’est installé.

« Je recommence au bas de l’échelle, mais c’est correct, je l’avais aussi fait comme joueur dans l’ECHL, donc je sais comment m’y prendre ! », nous raconte Condon au bout du fil.

Retraité à 31 ans

Condon n’a jamais annoncé sa retraite. Nous avons d’ailleurs eu vent de sa nouvelle carrière en septembre, en préparant ce voyage à Boston. Son nom apparaissait tout au bas de la page où sont répertoriés les joueurs et les entraîneurs de Northeastern.

Puis, la semaine dernière, il a accordé sa première entrevue au confrère Fluto Shinzawa, de The Athletic. « C’était pas mal la première fois que je reconnaissais publiquement que je ne joue plus. Je ne sais pas si je dois remplir des papiers pour l’officialiser. Mais je sais que je suis sur le régime d’assurance des retraités de la LNH ! »

S’il se retire si jeune, c’est en raison de problèmes aux hanches qui l’ont suivi toute sa carrière. Dès 2011, il a été opéré aux deux hanches. Il a géré la douleur tout au long de sa carrière, mais plus les années passaient, plus il était gêné dans ses mouvements. Le dernier but qu’il a accordé dans la LNH, le 30 octobre 2018, en est d’ailleurs une illustration.

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Il a ensuite obtenu des chances ici et là dans la Ligue américaine et dans l’ECHL, jusqu’au 28 février 2020, lorsqu’il a accordé 4 buts sur 19 tirs dans un revers de 5-3.

« J’ai dit à mes patrons que je ne pouvais plus performer au niveau dont je suis capable. J’ai conduit jusque chez moi, et deux semaines plus tard, la saison était suspendue… La pandémie a été très dure pour beaucoup de gens, mais pour ma part, ça m’a permis de retourner à la maison, de passer du temps avec ma conjointe. Ça a ralenti la vie. Tu ne pouvais même pas aller au gym ou faire de la rééducation ! »

Aujourd’hui, Condon doit encore composer avec la douleur, ce qu’il fait par des visites quotidiennes à son chiropraticien, qui est également un ami. « Le médecin me disait que c’était une forme d’arthrite, mais je me doutais que c’était autre chose, car j’avais mal partout, même dans la mâchoire. »

Je vais beaucoup mieux aujourd’hui. Il me reste toutefois encore beaucoup de travail pour réaligner ma colonne vertébrale et mon pelvis.

Mike Condon

Cette gestion de la douleur nous invite évidemment à revenir sur la sortie de Robin Lehner, qui avait accusé, le mois dernier, les équipes de la LNH de distribuer des médicaments sans ordonnance aux joueurs.

« Mon père a été policier, donc je sais que les opioïdes sont problématiques. C’est comme de l’héroïne. Ça rentre dans ton corps, et même la personne la plus forte au monde peut en devenir dépendante, a rappelé Condon. Il m’a donc bien prévenu de faire attention.

« D’ailleurs, après une de mes opérations, j’ai cessé de prendre les médicaments deux jours plus tard. J’ai été chanceux d’avoir quelqu’un qui m’a prévenu tôt dans ma vie. »

Reconnaissant

Condon a finalement disputé 129 matchs dans la LNH, la majorité d’entre eux (73) avec les Sénateurs d’Ottawa. Mais c’est à Montréal qu’il a eu sa véritable expérience de gardien numéro 1, poste dont il a hérité quand Carey Price s’est blessé à un genou en novembre 2015.

Condon n’a pas vraiment gardé contact avec Price, mais dit avoir eu une très bonne relation avec lui. « Il a vraiment été gentil avec moi et m’a aidé ! », affirme-t-il. Condon a aussi salué la démarche de son ancien coéquipier, qui a pris une pause pour intégrer le programme d’aide de la LNH pour régler des problèmes de consommation.

« Le hockey demeure un jeu et on peut parfois perdre de vue ce qui est important. J’espère qu’il va mieux. Ça prend beaucoup de courage pour jouer quand on vit des problèmes, mais je pense que ça en prend encore plus pour ne pas jouer et prendre le temps de les régler. »

De son passage à Montréal, Condon ne retient que du bien, même si ça s’est terminé au ballottage à la fin du camp d’entraînement 2016.

« Plusieurs gens me disaient : tu leur as donné 55 matchs et ils t’ont mis au ballottage. Mais je leur réponds qu’à ma dernière saison à l’université, j’avais seulement remporté huit victoires. Personne ne voulait me donner une chance. Le Canadien a été la seule équipe à le faire.

« Je ne sais pas ce que j’aurais eu comme carrière sans le Canadien. Le ballottage m’a ensuite permis de vivre des choses qui m’étaient peut-être destinées. À Ottawa, on est passés à une victoire de la finale de la Coupe Stanley. Je ne garde aucune animosité. Je suis très reconnaissant d’avoir été accueilli et accepté par cette ville. J’ai tout donné tous les soirs. »